C’est une scène politique digne d’un théâtre d’absurde que vit la France en ce début d’octobre 2025. À peine nommé Premier ministre, Sébastien Lecornu a présenté sa démission à Emmanuel Macron après seulement un mois à la tête du gouvernement. Un record dans l’histoire de la Ve République. La crise politique qui secoue le pays franchit ainsi un nouveau cap, laissant le président affaibli et contraint de confier à Lecornu une mission de « négociations de la dernière chance ».
La composition du gouvernement Lecornu, dévoilée dimanche soir, avait pourtant semblé marquer un compromis fragile : la plupart des poids lourds du cabinet François Bayrou étaient reconduits, signe d’une continuité assumée, avec deux entrées notables. Roland Lescure, ancien ministre délégué à l’Industrie, prenait les rênes de l’Économie, tandis que Bruno Le Maire, figure centrale de la macronie, héritait du ministère des Armées. Mais c’est précisément cette dernière nomination qui a fait exploser le fragile équilibre de la coalition.
Au sein des Républicains, dont plusieurs figures soutenaient la coalition d’union nationale, la présence de Le Maire, symbole de la technostructure macroniste, a provoqué une levée de boucliers. Sous la pression de sa base militante, Bruno Retailleau, reconduit à l’Intérieur, a convoqué dès lundi matin une réunion d’urgence du parti pour redéfinir la ligne politique du mouvement. Entre divisions internes et menaces de rupture de coalition, le climat est devenu intenable.
Sous le feu croisé des critiques, Sébastien Lecornu a préféré jeter l’éponge. Selon Le Figaro, il aurait clairement indiqué à Emmanuel Macron qu’il ne souhaitait pas être renommé à Matignon, même en cas de sortie de crise : « Je dirai au chef de l’État mercredi soir si cela est possible ou non, pour qu’il puisse en tirer toutes les conclusions qui s’imposent », a-t-il confirmé sur le réseau X (ex-Twitter), tout en acceptant, à la demande du président, de mener d’ultimes négociations avec les partis d’ici mercredi soir.
Cette séquence politique d’une rare confusion illustre la paralysie d’un exécutif à bout de souffle. En tentant d’élargir sa base sans rompre totalement avec son aile centriste, Emmanuel Macron a ouvert la boîte de Pandore des rivalités partisanes. La démission express de Lecornu, qui fut pourtant l’un de ses ministres les plus fidèles, souligne le désarroi d’une majorité éclatée, incapable de se rassembler autour d’un cap.
L’épisode, déjà qualifié de « ridicule politique » par une partie de la presse française et internationale, pose désormais une question cruciale : qui pour gouverner ? Alors que le président promet une « solution rapide », l’opinion publique, elle, oscille entre lassitude et colère, voyant se répéter le même scénario d’instabilité institutionnelle depuis des mois. À Paris, les couloirs de l’Élysée bruissent de noms possibles, technocrates, figures centristes ou profils d’ouverture, mais aucun ne semble en mesure de rallier les forces antagonistes d’un paysage politique fracturé.
En un mois à Matignon, Sébastien Lecornu aura donc incarné, malgré lui, l’impuissance d’un système au bord de l’épuisement. D’ici mercredi soir, il devra remettre à Emmanuel Macron les conclusions de ses discussions avec les partis. Et, selon ses mots, « le chef de l’État en tirera toutes les conséquences ». En attendant, la France reste suspendue à une équation sans solution : un président sans majorité et un pays sans gouvernement.
