Lundi matin, dans une déclaration solennelle sur le perron de Matignon, Sébastien Lecornu a annoncé sa démission du poste de Premier ministre français, acceptée dans la foulée par le Président de la République, Emmanuel Macron. À travers un discours mêlant constat d’échec et avertissement politique, l’ancien chef du gouvernement a justifié son départ par l’impossibilité de bâtir le compromis qu’il appelait de ses vœux depuis sa nomination.
« Les conditions n’étaient plus remplies », a-t-il martelé, expliquant que le renoncement à l’article 49.3 de la Constitution, symbole de sa volonté de redonner la main au Parlement, n’avait pas produit l’électrochoc démocratique espéré. « Cela n’a pas permis ce choc de se dire qu’on peut faire différemment. Les partis politiques continuent d’adopter une posture comme s’ils avaient tous la majorité absolue », a-t-il déploré, dénonçant une culture politique qui n’a pas su évoluer.
Lecornu a insisté sur la rupture qu’a représentée l’abandon de ce recours constitutionnel, utilisé pendant des décennies pour imposer des textes sans vote. « Les formations politiques ont fait mine parfois de ne pas voir le changement, la rupture profonde que représentait le fait de ne pas se servir de l’article 49.3 de la Constitution, c’est-à-dire qu’au fond, il n’y avait plus de prétexte pour une censure préalable », a-t-il observé, regrettant que son geste n’ait pas suscité le sursaut qu’il espérait.
Mais c’est surtout un épisode du week-end qui semble avoir précipité son départ. Dimanche soir, le président des Républicains, Bruno Retailleau, a publiquement remis en cause la participation de son parti au gouvernement à peine celui-ci formé. Lecornu n’a pas cité son nom mais l’a visé sans détour : « Il faut toujours préférer son pays à son parti. Il faut savoir écouter ses militants, mais toujours penser aux Français », a-t-il lancé, laissant entendre que Bruno Retailleau avait cédé à la colère de sa base, notamment sur le retour de Bruno Le Maire au gouvernement.
Tout au long de sa déclaration, Lecornu a dépeint une classe politique incapable de concessions réciproques. « Chaque parti politique veut que l’autre parti politique adopte l’intégralité de son programme. C’est vrai des formations parfois du socle commun, c’est vrai aussi des oppositions », a-t-il noté, parlant de « beaucoup de lignes rouges » mais « rarement des lignes vertes ». Il a toutefois salué certaines forces d’opposition, semblant désigner le Parti socialiste, qui avait laissé entendre qu’il pourrait ne pas censurer le gouvernement si un débat parlementaire était ouvert sur la réforme des retraites.
En guise de conclusion, l’ancien Premier ministre a esquissé ce qui ressemble à un testament politique : « Il suffirait de peu pour que l’on puisse y arriver en étant plus désintéressés pour beaucoup, en sachant aussi faire preuve d’humilité, peut-être aussi un peu parfois d’effacement de certains égos. »
